laurent a écrit :Au fait, pourquoi ce standard de 44 ou 46 pages pour les albums de BD ? et, étant vous-même votre propre éditeur, jusqu'à quel point êtes-vous tenu par cette convention ?
Je me suis longtemps demandé aussi, en tant que lecteur, pourquoi 44 ou 46 planches et pas 49, et pourquoi Tintin tient en 62 planches et pas 58 ou 63, etc. J'ai fini par apprendre la raison, bien avant de devenir éditeur.
C'est pour une bête question de technique d'impression. Les presses qui impriment des journaux ou des albums de BD, ou des livres, le font sur de grandes feuilles ; sur chaque face de la feuille, il y a plusieurs pages, placées selon un schéma extrêmement rigoureux, "au carré" ; ces feuilles sont ensuite pliées en 2, en 4, etc. puis massicotées. Cette feuille pliée forme un cahier, et ce cahier plié et massicoté comportera un nombre de pages multiple de 8. En général 16, qui est le nombre traditionnel, classique. On peut feuilleter ce cahier comme on feuillète un livre, et lire ce qui est imprimé - par exemple des planches de BD, se retrouvant dans l'ordre -, sauf qu'il n'y a que les feuilles, pas la couverture ni les pages de garde, etc., et sauf qu'on ne peut y lire que 16 pages.
Donc, en ajoutant deux autres cahiers de 16 pages, vous arrivez à un ensemble de 3 X 16 = 48 pages, et, miracle, on commence à s'approcher des 44 ou 46 de votre question. Sur ces 48 pages qui forment maintenant ce qu'on appelle le "cahier intérieur", il faut prévoir la page de titre, au tout début, qui est donc la page 1 du livre ; juste après, vient la page 2, une page vierge en vis-à-vis de la page 3 qui, elle, contient la toute première planche de la BD. Cette planche de BD numéro 1 se trouve donc imprimée sur la page numérotée 3 du livre. C'est pourquoi vous aurez toujours, à quelques exceptions près qui confirment la règle, la planche 1 d'une BD, sur la page 3 d'un album.
A cela s'ajoutent la couverture et la "quatrième de couverture" (c'est-à-dire le dos, comme on le dit par erreur), cartonnées ou non (Missions Kimono comme la plupart des BD aujourd'hui sont cartonnées). Au verso des couvertures (couverture + 4e de couverture) on colle la double page des gardes, appelées simplement "gardes", qui réunissent les couvertures au "cahier intérieur".
Si vous voulez faire un album de 49 pages, ou 53, c'est toujours possible. Mais à quel prix ! Car il faut ajouter des feuilles selon un schéma de fabrication qui sort totalement de l'ordinaire. Donc, pour des raisons de coût, on en reste au cahier de 48 dont 46 planches utiles pour la BD.
Quand les éditions Dupuis sortent des albums faisant juste 44 planches de BD, c'est parce que la page 48 (tout à la fin du cahier, donc) permet de publier une extrait du catalogue, ce qui fait de la pub pour le fonds de l'éditeur ; pour une question d'esthétique, la page 47 reste en général vierge, car elle est en vis-à-vis de la planche 44, la dernière de l'histoire.
Si on veut faire un album avec une pagination plus importante, à moindre coût, il faut ajouter un quatrième cahier de 8 ou plutôt de 16 pages. Ce qui porte la totalité à 48 + 16 = 64 pages ; enlevez la page de titre et la page blanche (qui contient en général la mention du copyright), cela fait 62 pages permettant de publier des planches de BD ; d'où Tintin en 62 planches... Il me semble qu'un Fox One comporte 74 planches : c'est parce que l'éditeur concerné, en accord avec les auteurs, publie une BD qui tient sur 48 + 16 + 16 = 80 pages ; vous ôtez à cela les pages libres contenant diveres informations, dont la page de titre, etc., cela fait bien 74.
Quand vous voyez un album d'un nombre de page bancal, du genre 49, 51, etc., vous pouvez vous dire que l'éditeur a fait un gros effort (financier) et que l'imprimeur puis le relieur se sont compliqués la vie.
Vous allez me dire : pour des auteurs qui ne savent pas s'arrêter ou qui veulent faire des histoires d'un nombre de pages aléatoire, en fonction de leur inspiration, il n'y a qu'à fabriquer des presses non standard qui peuvent sortir des feuilles d'un nombre de pages inhabituel. Ben oui, "y'a qu'à"... Mais parlez-en à un imprimeur, ainsi qu'à un fabricant de presse, et vous m'en direz des nouvelles...