JYB a écrit : ↑lundi 13 février 2023, 6:46
Deltafan a écrit : ↑mercredi 21 juillet 2021, 14:13Alors, certes, je serai le premier à dire que l'essentiel, dans une BD, (...), c'est quand même le scénario.
Non non, tu n'es pas le premier... Aussi bien dans le milieu du cinéma que celui de la BD, beaucoup de personnalités ont déjà dit il y a bien longtemps des choses comme : "
Il faut trois éléments pour faire un bon film (ou une bonne BD), c'est : 1) une bonne histoire, 2) une bonne histoire et 3) une bonne histoire".
Mais personnellement, j'ajoute toujours : la question est de savoir ce qu'est une bonne histoire, et, pour tout auteur, de savoir a priori s'il a écrit une bonne histoire.
Et le triple problème de la BD en général, c'est que :
- tout le monde ou presque a oublié qu'il faut une bonne histoire (tout le monde s'en fout ou n'en a pas conscience ; même si tout le monde fait croire, bien sûr, qu'il s'y intéresse et qu'il en est très conscient... or, dans les faits, c'est l'inverse),
- tous les auteurs ou presque sont persuadés d'écrire de bonnes histoires... (sinon, ils ne les écriraient pas, ou du moins ils n'oseraient pas les présenter à leurs dessinateurs et éditeurs...).
-
la qualité des scénarios, même les lecteurs, ça leur passe au-dessus de la tête ; puisqu'ils continuent d'acheter des BD qui n'ont pas de bonnes histoires (tu le dis toi-même, d'ailleurs, concernant d'éventuels albums uchroniques que tu es prêt à acheter, même si les scénarios sont mauvais ; c'est ce qui compte aux yeux des éditeurs : que les lecteurs achètent ; le reste, les éditeurs s'en foutent ; voir mon premier point, six lignes plus haut).
Alors, pourquoi auteurs et éditeurs se compliqueraient-ils la vie...? Et comme dirait Coluche dans un contexte similaire, au sujet des consommateurs : "Et vous n'êtes pas raisonnables, en plus...".
Oui, enfin, dans toutes mes BD autres qu'aéros, le scénario prime dans ce qui est sur mes étagères. Maintenant, il y a aussi une partie conservée pour la nostalgie (comme, par exemple, certains des premiers albums de Yoko Tsuno) ou parce qu'abordant des thèmes m'intéressant plus particulièrement (par exemple, les Templiers), où mon jugement est plus "permissif".
Dans les BD aéros, il y a aussi la dimension aviation et donc une esthétique (en l'occurrence de l'avion), absents, pour moi, des autres types de BD. Alors, il y a, certes aussi l'aspect nostalgie, comme les premiers albums de Dan Cooper. Et il y a aussi les cas où l'esthétisme est absent et le scénario, et lui seul, priment sur tout le reste. En ce domaine, la meilleure illustration est pour moi L'enragé du ciel, à mille lieues de mes critères habituels du dessin et pourtant conservé et pas près de quitter ma BD-thèque.
Pour le reste, je ne connais aucune loi qui interdise la fantaisie, chacun à son niveau. Pour moi, une BD avec avion Payen (ou dérivé d'un avion Payen) est une fantaisie que je me permets. Je ne demande à personne de faire pareil, mais c'est mon choix, et il m'appartient. Et je peux, à l'occasion, pour les mêmes raisons et les mêmes motivations, faire pareil pour un autre type d'avion.
Enfin, il y a la lecture initiale, et les relectures.
Pour parler des seules BD-aéros (mais c'est également valable pour les autres), et pour parler de celles achetées depuis mon "retour" à l'aéronautique en 1997 (donc pas celles achetées de 1980 à 1984 [si mes souvenirs sont bons], année où j'ai compris que mon avenir professionnel n'irait pas dans le domaine de l'aéronautique, et qui ont fini chez un neveu), la plupart ont facilement passé le premier stade de lecture.
Avec le temps, trois raisons ont fait que ça a changé : évolution/maturation des goûts (donc en faveur de scénarios toujours plus crédibles), budget plus limité (la retraite...) et manque de place (les livres occupant déjà la plus grande partie de l'ex-chambre de mon F2, devenue bibliothèque, DVD-thèque, dossiers papiers-théques, etc... et dont les murs ne sont pas extensibles).
Donc, aujourd'hui, je fais beaucoup moins d'"essais" qu'avant sur les BD. Si le thème m'intéresse, mais que le résumé me fait douter, pas d'achat. Si ce résumé éveille suffisamment mon intérêt il faut passer l'épreuve du feuilletage en librairie avant de prendre, ou pas. Si l'album est le premier épisode d'un diptyque ou plus et qu'il ne passe pas l'épreuve de la première lecture, je n'achète pas les suites (alors qu'avant je ne faisais ce choix qu'à la fin de l'histoire ou bien plus tard dans la série).
Enfin, donc, mes relectures, qui, depuis presque 25 ans, ont fait finir (principalement en raison de mon évolution par rapport aux scénarios) une tétrach... d'albums et de séries chez Gibert occasion Paris, puis Marseille. Mais, depuis quelques années, ces reventes se produisent moins, puisque, comme dit dans les paragraphe précédents, la sélection initiale est plus drastique qu'avant.
Bref, le scénario, oui, et la recherche du toujours meilleurs en ce domaine, oui. Mais il y a des raisons annexes (fantaisie, nostalgie, thèmes privilégiés, ...), qui peuvent faire que l'on fait, aussi, des choix autres, dont chacun est libre. Et si mes choix de 2023 ne sont pas ceux de 1997 (et même de 1980 pour les BD franco-belges ou ceux d'à partir de 1967 pour les Lug, Mon Journal, Marvel, Disney ou les éditeurs de Battler Britton, Tora et tous les autres de mon enfance), ce n'est pas parce que mes goûts de l'époque étaient "mauvais", mais parce qu'ils correspondaient à des goûts "différents" de ma part à cette époque.
Donc, personnellement, je ne vais pas critiquer des personnes qui vont faire des choix différents des miens aujourd'hui, même si ce sont des histoires dont je trouve, aujourd'hui, le scénario indigent. C'est leur histoire, pas la mienne. C'est leur choix et il est, en ce domaine, aussi respectable que ce que les miens sont, ont pu être ou seront. De la même façon que je n'aurais pas voulu*, à 8 ans (Battler Britton and Co), à 12 ans (Marvel and Co.), à 19 ans (BD franco-belges, dès mon premier salaire) ou à 36 ans (retour à la BD aéro) qu'on me dise devoir les abandonner au profit de tel ou tel ouvrage (y compris BD aéro avec scénario en béton) quel qu'il soit.
Maintenant, c'est sûr que lorsqu'on est un auteur, qu'on s'attache à un réalisme extrêmement poussé, qu'on voit sa diffusion restreinte pour des raisons arbitraires ou profitant à des séries établies depuis longtemps, mais ne relevant pas/plus (et parfois de très loin) du même niveau de travail/recherche/minutie, on puisse être amer devant ce constat. Je peux juste dire que Missions Kimono est toujours là, quand d'autres ont disparu depuis longtemps (donc les lecteurs n'ont pas suffisamment acheté et les éditeurs, y compris parmi les principaux, ne s'en sont pas "foutus") et la qualité de ton travail en est la raison. Mais tu ne pourras pas demander au lectorat un niveau de lecture qui soit celui que tu voudrais qu'il soit, y compris sur les sites de BD. Il sera celui qu'il sera
*mes parents étaient cools sur ce plan et ne m'ont jamais limité (en terme de choix) en ce domaine (mais, pour m'ouvrir l'esprit, ils m'achetaient d'autres livres que j'ai tout autant apprécié, dont certains avec le temps).