Lima Bravo a écrit :Baptiste a écrit :Il y aurait sans doute quelque chose à dire des profils des "méchants" et adversaires: dictatures plus ou moins carnavalesques, états mafieux et potentats traditionnels, et "puissances étrangères" non nommées, mais plutôt nordiques (les noms des méchants d'"Opération Mercury/Les voleurs de satellites" sont plutôt scandinaves...
J'ai toujours été intrigué par le rôle accordé par Charlier dans ses scénarios aux pays scandinaves, et plus particulièrement à la Suède!
S'y ajoutait le fait que, comme l'écrit Baptiste, les "méchants" opérant pour leur compte ont plutôt des patronymes nordiques
La Suède serait-elle alors une métaphore de l'Union soviétique ? ...
C'est exactement comme cela que j'ai toujours perçu ces fameuses "dictarures carnavalesques" de JMC (visibles dans Tanguy, Buck Danny, Dan Cooper, Marc Dacier), avec ses généraux d'aviation aux tenues dignes d'Hermann Goering, et ses pilotes affublés de patronyme et prénoms nordiques (scandinaves ou balkaniques) et de mines patibulaires (surtout dans Tanguy et Laverdure, mais il s'agissait à mes yeux toujours du même ennemi) : comme une représentation métaphorique de l'ancien bloc de l'Est.
(Hergé avait eu recours quant à lui à la Syldavie et à la Bordurie)
JYB a écrit :
il faudrait pouvoir retrouver les propos de Jean-Michel Charlier lui-même qui parlait de ses démêlés avec la censure dans les années cinquante. Il s'agit de la censure française, et JMC parlait de convocations par un certain M. Barbaride, dans un bureau d'un département ad hoc du ministère de la Justice, chargé de faire appliquer la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse (en clair : les BD).
Car ce n'est pas tant "le reflet de la politique étrangère américaine dans Buck Danny" qu'il faut analyser, mais plutôt la vision qu'en avait Charlier - à travers de simples oeuvres de fiction comme le rappelle Lima Bravo - et surtout la vision, déformée et/ou imposée par la censure, que Charlier devait coller dans ses scénarios - du moins tout le temps que cette censure eut assez d'autorité pour l'obliger à revoir sa copie... De toute façon, cette "pression" de la censure fut telle que Charlier se méfia longtemps de sujets délicats comme la guerre du Viet-Nam, 15 ans après celle de Corée.
Charlier, de son propre aveu, et à plusieurs reprises, a déploré avoir dû laisser de côté la Guerre du Vietnam, alors que ce conflit devait, toujours selon lui, fournir les meilleurs scénarios de Buck Danny.
Cette fameuse censure, avec du recul, apparaît d'autant plus incompréhensible : il ne semble pas en effet que ce fut pour des raisons d'ordre diplomatique que l'Union Soviétique n'était quasiment jamais mentionnée et les guerres de Corée et du Vietnam sujets tabou.
Car à la même époque, la littérature d'espionnage Française était florissante et la plupart des séries populaires mettaient en scène des agents secrets appartenant à des services de renseignements occidentaux (OSS 117, Coplan, SAS, etc... OSS, CIA, SDECE, MI5, etc...) et combattant ouvertement les menées subsversives du bloc de l'Est, allant souvent même jusqu'à intervenir derrière le Rideau de Fer pour mener à bien leur mission, sans que la censure s'en préoccupât. Et le cinéma Français ne fut pas en reste pour dépeindre la Guerre Froide ou des conflits modernes.
Seuls les auteurs d'oeuvres destinées officiellement à la Jeunesse semblent avoir donné lieu à ces brimades.
Et en ce sens, la loi de 1949 sur les publications destinées à la Jeunesse relève de l'absurdité totale : on interdit à Morris de dessiner une danseuse de saloon trop dénudée, on convoque JMC chez Monsieur Barbaride, pour préserver nos "chères têtes blondes" de toute pornographie ou de toute influence politique, alors que dans le même temps, devant un poste de télévision, le même gamin verra en famille (souvent de façon moins suggestive, drôle ou caricaturale) tout ce qu'on ne doit pas lui montrer dans un magazine ou un album de BD.
Mais grâce à des codes et astuces de narration spécifiques à la BD, la plupart des auteurs, à l'instar de JMC ou d'Hergé, sont parvenus à contourner l'obstacle.
Comme beaucoup de lecteurs, c'est essentiellement avec la lecture de l'épisode "Les Agresseurs" que j'ai senti un changement dans la série Buck Danny et pressenti que notre colonel affronterait moins de généraux d'opérette à l'avenir.