peter77 a écrit : ↑jeudi 19 mai 2022, 7:34
Merci Deltafan
Je connaissais pas du tout cet avion . La lecture de ton résumé m’a conduit à faire des recherches sur le net.
Qu’aurait pu donner cet avion avec un moteur beaucoup plus puissant et des trains rentrants? La question peut légitimement se poser.
Qu’est-il advenu de ce constructeur?
Ce sujet me fait m’intéresser aux 1ers vols d’avions à ailes delta.
Voilou, j'ai plus de temps pour te répondre, bien que, si tu as déjà lu tous les liens que je donne dans mon post de ce matin (en particulier celui de AviationsMilitaire.net), tu as quasiment toutes les réponses.
Un avion Payen style Pa.100/101/110/112, ou mieux, un Payen RP.420, avec un moteur puissant et des trains rentrants, c'est quelque chose que je ne cesse d'"imaginer" depuis des années
Bon, alors d'abord, quelques constatations :
-Si l'on en croit tous les écrits, le Pa.101, avec son gros moteur en étoile de 380 ch, semble ne pas avoir vu de problèmes de stabilité au décollage (si l'on en croit les paroles rapportées de son pilote). Les tourbillons créés par sa forme spécifique auraient contré efficacement le couple des hélices. En revanche, son énorme moteur en étoile (par rapport à la taille de l'avion) cachait la vue du pilote et la mauvaise visibilité a entraîné l'accident de l'appareil (fauchage du train) lors d'un atterrissage pendant les vols en ligne droite au-dessus de la piste.
-Le Pa.22/2 a eu de gros problèmes de stabilité au décollage lors de ses propres vols en ligne droite au-dessus de la piste. Il a d'abord fallu agrandir la dérive en hauteur, puis adapter une dérive classique (l'appareil devenant alors le Pa.22/5). Les essais s'étant arrêtés par suite de l'interdiction de leur poursuite par l''occupant, on ne sait pas comment ils auraient évolué. Mais on peut également remarquer que tous les Pa.100 ou 22/2 (tous les deux avec des moteurs en ligne dans la réalité) fabriqués pour l'aéromodélisme n'ont jamais réussi à décoller (ils font des "S" au sol et n'arrivent pas à prendre une vitesse suffisante pour décoller). En revanche, lorsqu'on les lance directement dans l'air, ils évoluent sans problème.
-Pour compenser ce manque de stabilité au décollage, l'idéal aurait été des hélices contrarotatives, ou des réacteurs. Malheureusement, les deux ingénieurs français auxquels Payen a fait confiance en ces domaines (boîte d'engrenage Baudot et propulseur à trompes Mélot), ont échoué à produire des systèmes fiables (hélices contrarotatives) ou assez puissants (réacteurs). Le Macchi MC-72 bat le record du monde de vitesse en 1934 avec des hélices contrarotatives, mais les premiers véritables appareil de série avec des hélices contrarotatives ne volent qu'en 1946 (Short Sturgeon et Supermarine Seafire Mk-47). Le premier réacteur allemand vole en 1939 (Heinkel He-118 et Heinkel He-178) et le premier avion à réaction de série entre en service en avril 1944 (Me-262). Entretemps, la France a bien un réacteur en 1937 (Sensaud de Lavaud), mais trop peu puissant (100 kgp) et non fiable (il ne fonctionne pas plus de 10 minutes).
Sinon, la vie d'inventeur de Roland Payen se résume en trois mots : visionnaire, fauché et malchanceux.
-Outre les problèmes déjà mentionnés avec les systèmes Baudot et Mélot, Payen développe son premier avion (AP-10) avec très peu de moyens. Lorsqu'il arrive à en avoir, il ne trouve pas de pilote capables de piloter l'avion (Pa.100, le premier "Flèchair" delta canard). Lorsqu'il en trouve un, son employeur lui refuse de piloter l'avion Payen (Pa.100), et on lui retire également le moteur prêté. Quand il arrive à avoir un nouveau moteur, celui-ci, inadapté à la taille, entraîne l'accident de l'avion (Pa.101) et l'Etat interdit le vol des avions de sa formule Flèchair...
-Quand, par la suite, l'interdiction saute, il développe un avion pour la course Deutsch de la Meurthe (Pa.225), annulée en raison de la situation internationale. Je passe sur l'épisode Pa.110/112, proposé à l'armée de l'air : de toute façon, l'échec du système Baudot le condamnait. La marine japonaise s'intéresse à la formule des avions Payen et demande une étude pour un avion embarqué (Pa.400), finalement annulée en raison, là encore, de l'évolution de la situation internationale...
-Lorsque Payen construit son nouvel avion (Pa.22/2 de tourisme), juste avant qu'il passe aux essais en soufflerie, la capture d'un Me-109 fait que ce dernier lui grille la place, et, juste après, l'armistice empêche définitivement l'avion de passer en soufflerie. Entretemps, Payen a quand même pu, en tant que sous-traitant, construire des éléments pour les chasseurs Arsenal VG-33. Bien sûr, tout tombe à l'eau avec l'armistice. Payen survit alors en construisant meubles, armoires et gazogènes.
-Payen est cependant autorisé à poursuivre les essais du Pa.22/2, sous contrôle de l'occupant. Quand, en version Pa.22/5 (avec dérive "classique") il poursuit ses essais, il tombe en panne au milieu de la piste, stoppant le décollage de Junkers 88 partant pour la bataille d'Angleterre (incident finalement sans suite). Par la suite, une tentative d'évasion d'un pilote français sur un prototype cloue au sol nombre de prototypes français (dont le Pa.22/5), qui sont transférés en Allemagne. Payen prétexte des travaux sur l'avion (hélice à pas variable, modifications du train d'atterrissage) pour garder l'avion dans ses ateliers, où il est victime collatérale d'un bombardement allié en avril 1944...
-A la libération, Payen est incarcéré pour "collaboration", avant d'être innocenté et libéré...
-Dans le cadre d'un programme d'avion à réaction pour l'armée de l'air, Payen développe un petit "démonstrateur" (futur Payen Pa.49B). Il aurait pu être le premier delta français à réaction à voler, mais des erreurs techniques des officiels lors des essais en soufflerie, et une sombre histoire de casque de protection pour le pilote (Payen sera certain qu'il s'agissait d'un "complot" contre lui...), feront qu'il ne sera que le deuxième... En 1958, l'Etat demandera la restitution du réacteur (ce qui rappelle l'histoire du Pa.100...).
-Entretemps, une collaboration est entreprise avec Fouga pour construire un avion d'entraînement destiné à l'Allemagne (Pa.56/562). Le projet avance bien, jusqu'à ce que la faillite de Fouga signe son arrêt, en 1956...
-Payen s'attaque à un nouvel avion de tourisme, qui deviendra le Pa.61F Arbalète. Constatant que l'exemplaire initial est sous motorisé, Payen effectue diverses modifications et change le moteur. Mais lors des essais de roulage, en 1970, le pilote fait des essais avec les aérofreins sortis et lorsqu'il passe sur une petite proéminence de la piste, il décolle sous un angle incompatible avec la poursuite du vol, avant de retomber et de s'écraser (douloureuse réminiscence du Pa.101), ce qui met fin au projet, et à l'histoire des avions Payen originaux...
-Heureusement pour Payen, il se tourne alors avec plus de succès vers d'autres disciplines, notamment en participant à la construction de nombres de répliques volantes, à l'échelle 1/1, pour le cinéma et la télévision. L'un d'eux sera un biplan (le "bâtard" de Nayep [anagramme de Payen]) utilisé pour représenter des avions de la première guerre mondiale.
-Roland Payen décède en 2004. Il avait entretemps créé Le musée delta, à Athis Mons, près de Paris-Orly, où, outre le Concorde 02, trois Mirage et divers documents relatifs aux avions delta, on peut voir quelques aspects de son oeuvre. Une partie se trouve à l'intérieur du Concorde. Le reste se trouve dans le bâtiment du musée proprement dit, où on peut voir la magnifique représentation, à l'échelle 1/1 du Payen Pa.100, tel qu'il se présentait en 1934.