Une question me tarabuste : est-il possible qu'un porte-avions comme le
Forrestal croise au large de Thulé au Groenland comme on le voit dans la planche 4 de la BD Le vol du Rapier, montrée sur le site de Dupuis ? En effet, j'ai en mémoire l'image des eaux baignant les parages de Thulé piquetées de petits îlots de glace, de petits icebergs, de plaques de banquise (ce qu'on appelle des "floes") - mais en été seulement, puisqu'en hiver, il fait nuit noire et très froid, la surface de la mer est couverte par une épaisse couche de banquise pendant des mois : là, c'est sûr, aucun bateau ne peut naviguer. Or, il faut à un porte-avions une longue portion de mer, libre de tout obstacle et en ligne droite, où il peut se lancer à vitesse élevée pour pouvoir catapulter et faire apponter ses avions, et ce dans n'importe quelle direction en fonction de l'orientation du vent. Ceci, sauf erreur de ma part, paraît peu probable au large de Thulé.
Attention : de nos jours, le réchauffement climatique fait fondre la banquise aux pôles, donc les jeunes générations ne se rendent peut-être pas compte que la mer de Baffin puisse être prise dans les glaces. Mais voici par exemple une photo extraite de mes archives, prise début juillet 1951 - donc au début de l'été arctique, et donc dans les année 1950 - où des bateaux de l'US Navy ont du mal à se frayer un chemin en baie de Melville ; cette baie est bien plus qu'une baie : c'est une vaste zone du littoral groenlandais s'ouvrant largement sur la mer de Baffin, à quelques dizaines de kilomètres au sud de Thulé (la photo est extraite d'un article de presse que j'ai écrit il y a longtemps sur la base de Thulé justement) :
Selon cette photo - et d'autres que je pourrais montrer -, on voit mal un porte-avions évoluer dans ce paysage encombré...
Je précise que l'hélicoptère qu'on voit voler dans le ciel sert de guide pour indiquer par radio aux bateaux quelle route suivre pour éviter les trop grosses plaques de banquise...
Oserais-je rappeler qu'un certain
Titanic a coulé en heurtant un iceberg qui se trouvait sur sa route, à la latitude de New York à peu près, soit très au sud de Terre-Neuve, et encore plus au sud de la mer de Baffin - et donc très loin au sud de Thulé... (certes, c'était mi-avril, on sortait de l'hiver, mais quand même, il y avait de gros icebergs à la latitude de NY).
On pourrait se dire que, plus au large de la baie de Melville, la mer est dégagée - mais alors, pourquoi les bateaux de la photo passent par la zone encombrée...? Ils n'ont qu'à passer par le large qui serait dégagé...
On pourrait se dire aussi que, la photo ayant été prise en juillet, le soleil permanent réchauffe la mer et fait fondre la banquise au fil des semaines (car au-delà du Cercle polaire arctique, le soleil est visible 24 heures sur 24 durant l'été ; le fameux "soleil de minuit"), de sorte qu'à la fin de l'été (disons à cheval sur fin août/début septembre, avant que le grand froid ne revienne), il n'y a plus de glaces flottantes en surface. La période fin août/début septembre semble un peu courte quand même et je me demande si l'US Navy prendrait le risque d'envoyer un porte-avions - et sa flotte d'accompagnement - aussi haut dans la mer de Baffin, pour une si courte période ; et puis, un coup de froid précoce pourrait soudainement reformer des "floes" et bloquer pour plusieurs mois le porte-avions...
D'autant que, dans la planche 4 de la BD Le vol du Rapier, on voit Sonny faire de la moto sur le pont du porte-avions, où stagnent des congères de neige et du givre, par plaques (on voit des hommes de pont avec une pelle en train de déblayer ça, et l'un d'eux prévenir Sonny que le pont est totalement verglacé), ce qui semble signifier qu'on n'est sans doute pas au coeur de l'été...