JYB a écrit :
- la toute première aventure de Tanguy et Laverdure n'est pas un cycle en deux albums, mais un "one shot" de 84 planches, qui a été découpé artificiellement en deux par l'éditeur Dargaud, venu en cours de route, pour faire deux albums (l'histoire était publiée dans les pages de Pilote, lorsqu'au bout d'un an, Dargaud a racheté le journal). C'est un faux cycle en deux albums.
- il n'y a pas de roulis, ou si peu, sur le "Charles de Gaulle", en raison d'un système lourd et complexe (mais simple dans le principe).
- (concernant Piège à Koh-E-Shar) ... histoire vraie et pathétique, que j'ai adaptée et résumée car j'aurais pu tenir un album rien qu'avec ça ! La grosse différence avec la réalité, c'est que dans ma BD ce sont des Super Etendard qui interviennent, mais dans la mission réelle, c'étaient des appareils américains.
Je précise à ce sujet que toutes mes histoires sont basées sur des choses vraies : des anecdotes authentiques fourmillent de façon insoupçonnée dans mes scénarios, tant d'aviation que ceux qui traitent d'autres thèmes. JM Charlier faisait de même, et si certains m'accusent de "faire du Charlier", c'est essentiellement à ce niveau : travailler ainsi aide, je crois, à créer des histoires "en béton". Mais ce n'est pas copier le maître : c'est juste une même façon naturelle de concevoir un scénario.
- Concernant "L'école des Aigles" :
Ma mémoire est en effet défaillante. J'avais oublié en rédigeant le post que les 2 premiers T&L étaient un faux cycle. La numérotation des planches va d'ailleurs de 1 à 84. Je le classerai donc parmi les one shot réussis, mais c'est justement parce que JMC a bénéficié de la longueur suffisante pour développer harmonieusement chaque "sous partie" de son histoire. Cela va dans le sens de vos arguments pour des cycles (sauf à concevoir des plus gros volumes ce qui serait braver les risques sur le plan commercial).
- J'avais par contre à l'esprit que les navires de gros et moyen tonnage sont aujourd'hui équipés de systèmes anti-roulis, mais si ces systèmes améliorent le confort à bord, facilitent-ils suffisamment les appontages en cas de forte houle ? Etant admis que c'est toujours mieux que l'absence de système anti-roulis.
(Excusez le caractère profane de ma question ; la réponse se trouve peut-être dans vos ouvrages sur les navires)
- On pressent dans vos ouvrages (comme dans ceux de Charlier quand ce n'est pas expressément souligné par un astérisque) qu'à la base de nombreuses péripéties il y a des anecdotes authentiques.
En planche 83a, 2e strip, j'ai notamment eu l'impression que le drame qui se déroule en direct à l'écran sous les yeux de l'opérateur dans le Hercules via une caméra thermique a malheureusement dû se produire dans la réalité.
Cette scène est particulièrement réussie, car elle exprime l'horreur indicible de celui qui assiste au sort funeste de son camarade. C'est d'autant plus poignant et odieux que la victime qui périt n'est, à l'écran, qu'une image floue et imprécise, comme dans un jeu virtuel !!! C'est l'imagination de l'observateur qui reconstitue la fin terrible du commando. Le lecteur fait de même et vous avez là avec brio réussi un tour de force dans la narration et l'illustration.
- Concernant votre conception du métier de scénariste commune avec celle de JMC, il ne viendrait à personne d'un peu sensé et honnête d'en faire le reproche.
Ce n'est aucunement copier le maître ou le plagier que de s'inspirer de sa méthode qui a donné d'excellents résultats dans des genres très variés. On ne peut pas tout réinventer ou révolutionner. Certains lecteurs n'appréhendent pas suffisamment le travail en amont d'une bande dessinée. (Donnez un Buddy Longway à un crétin méprisant, il vous dira au bout d'un quart d'heure que "c'est vite lu" ! Ce type de remarque lapidaire m'exaspère et ne relève aucunement de l'analyse.)
Je me réjouis bien au contraire de ceux qui ont fait école dans la BD.
Aurait-on Giraud, Mézières ou Hermann sans Jijé ? Aurait-on eu Chaland sans Hergé, Tillieux et Franquin (lui même disciple de Jijé) ? Aurait-on Bergèse sans Hubinon ? Aurait-on Hubinon et Pratt sans Caniff ? etc... Dans tous ces cas, les élèves se sont très vite affranchis de leur maître. Même Bergèse, comme vous l'avez justement souligné, a transcendé le style d'Hubinon et s'il n'y a pas une rupture désagréable au moment du transfert de la série, il est impossible de confondre le style de chaque auteur.
Les bonnes influences ne sont jamais mauvaises et prendre modèle pour l'écriture, le découpage, les dialogues, le sens de la progression dramatique sur des auteurs comme Goscinny, Charlier, Greg, ou Hergé, me paraît être un gage de progression vers la qualité.
Le talent est personnel de même que les innombrables journées de travail qui précèdent la publication d'une histoire.